Publié le 2020-09-18 | Le Nouvelliste
Les actions accomplies par les membres du groupe armé Fantôme 509 samedi, lundi et mercredi dans différentes zones de l’aire métropolitaine sont-elles susceptibles de conduire le pays au chaos total ? Depuis le début de la transition démocratique en 1986, après la chute de Jean-Claude Duvalier, le pays n’a jamais été au bord de l’effondrement au point où il est actuellement. La dissolution de l’armée en janvier 1995 par le président Jean-Bertrand Aristide, l’insurrection de l’armée du Nord conduite par Guy Philippe en février 2004 n’avaient pas conduit le pays au bord de l’abîme en dépit des craintes exprimées par certains secteurs lors de ces événements. En l’année 2005, en raison de l’instabilité politique, de l’insécurité galopante et de l’incertitude constatée dans le renouvellement des institutions démocratiques, Haïti avait, pour la première fois, grossi le rang des pays en faillite. Il n’y avait à cette époque aucune menace sur l’effondrement total de l’Etat.
Quelle que soit la forme que prend l’Etat, les théoriciens en sciences politiques et en droit public ont convenu que l’existence d’un Etat est liée au monopole de la contrainte armée. La démonstration des membres du groupe armé Fantôme 509, le samedi 12 septembre en cours, montre que ce groupe dispose d’une suprématie temporaire de la contrainte armée. De samedi à mercredi, aucune unité spécialisée de la Police nationale d’Haïti n’a pu empêcher les membres de ce groupe armé de commettre leurs forfaits. Sans crainte, ils ont fait la chasse aux véhicules immatriculés Service de l’Etat. Le bureau de l’Office national d’identification (ONI) et celui du Fonds d’assistance économique et sociale (FAES) ont été la proie des flammes. Cette course à la destruction des biens meubles et immeubles de l’Etat ne traduit qu’une préoccupation, celle de l’effondrement de l’Etat. Les différents gouvernements qui se sont succédé ont, pour la plupart, été contraints de conclure des accords avec des partis politiques de l’opposition et avec des groupes de pression de la société civile. Aucun autre pouvoir politique de ces trente dernières années n’a été devant ce fait accompli d’un groupe armé issu de la force publique.
Il est assez difficile de prévoir quelle sera la durée de vie de ce groupe armé. Deux scénarios peuvent être envisagés. Le groupe Fantôme peut décider d’observer une trêve, à la demande de libération du policier Pascal Alexandre. S’il agit de la sorte, aucun juge d’instruction ne prendra le risque de l’inculper pour les faits qui lui sont reprochés. Aucun autre policier ne pourra être l’objet d’arrestation ni de convocation de l’Inspection générale. La justice sera dans l’obligation de ne pas intervenir dans ces dossiers en raison de l’action du Premier ministre Joseph Jouthe dans la libération des cinq policiers qui étaient chargés de surveiller la scène du crime dans le dossier du bâtonnier assassiné. Ce sera un nouvel épisode de banditisme légal. Le deuxième scénario peut consister en la poursuite des actes de banditisme de ce groupe. Si tel est le cas, une des unités spécialisées pourrait être dans l’obligation de mettre un terme aux agissements de ce groupe avec toutes les conséquences que cela peut provoquer au sein de la principale institution chargée de protéger les vies et les biens.
Entre-temps, le directeur général de la Police nationale d’Haïti, le Premier ministre et le président de la République assistent, impuissants aux agissements des membres du groupe Fantôme 509 qui, après chaque attaque contre les biens de l’Etat, se rendent sans inquiétude à leur poste dans les commissariats et les unités de la PNH.
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